III) B) 2)
Pouyss :: Archives :: Dépôt :: Mémoire M2
Page 1 sur 1
III) B) 2)
2) Le Talmud, le Judaïsme et l’Inquisition
Aux pages 1206-1207 du Livre des sentences est retranscrit un cour sermon décrivant la décision prise par Bernard Gui de faire brûler de nombreux Talmuds. Le Talmud, qui signifie “étude” en Hébreu, est un ouvrage Hébreu venant compléter la Thora. Il se compose de la loi orale, reçue, à en croire la tradition Judaïque, de Dieu par Moïse, et du Pentateuque, la loi écrite. L'élaboration du Talmud remonte, toujours selon la tradition judaïque, à la “Grande Assemblée” (Sanhédrin) constituée par Ezra “le scribe” au retour de l'Exil de Babylone, puis à la réunion des Sages à Yavné au lendemain de la destruction du Temple de Jérusalem. Il s'agissait de mettre par écrit les lois et récits de la tradition orale (herméneutique). Ce projet était celui des Pharisiens inquiets de la menace que faisaient peser sur les traditions les changements de la société hébraïque, où la tradition orale était en recul par rapport à la tradition écrite. Il se poursuivit sur plusieurs siècles en Galilée et à Babylone.
Bernard Gui justifie la destruction de ces ouvrages par les blasphèmes qu’il dit s’y trouver:
Quels sont ces blasphèmes et horreurs que Bernard Gui dit être prononcés par les Juifs? L’inquisiteur y donne une réponse dans sa Practica inquisitionis 222. Il y nomme quatre ouvrages destinés à expliquer le Talmud: la Glose sur le texte de la Loi, l’Explication et restitution de la Loi, les Gloses de Moïse en Egypte et la Glose de David l’Espagnol. Trois de ces textes sont des gloses du Talmud, c’est-à-dire des Talmuds intégrant des explications de texte. L’Explication et restitution de la Loi est également lié à la loi judaïque, mais rien ne précise s’il s’agit de la Thora ou du Talmud. Ces explications dénoncent, selon Bernard Gui, la divinité de Jésus Christ:
L’inquisiteur décrit les blasphèmes qu’il dénonce dans ces ouvrages. Toutes convergent vers un seul point: Jésus Christ a menti en se disant de nature divine. Ainsi, les Chrétiens sont qualifiés de minim, que Bernard Gui traduit par “hérétique” (hereticos) 224. Ainsi, il fait de longues citations des prières blasphématoires dont il dit qu’elles sont récitées trois fois par jour:
Aux pages 1206-1207 du Livre des sentences est retranscrit un cour sermon décrivant la décision prise par Bernard Gui de faire brûler de nombreux Talmuds. Le Talmud, qui signifie “étude” en Hébreu, est un ouvrage Hébreu venant compléter la Thora. Il se compose de la loi orale, reçue, à en croire la tradition Judaïque, de Dieu par Moïse, et du Pentateuque, la loi écrite. L'élaboration du Talmud remonte, toujours selon la tradition judaïque, à la “Grande Assemblée” (Sanhédrin) constituée par Ezra “le scribe” au retour de l'Exil de Babylone, puis à la réunion des Sages à Yavné au lendemain de la destruction du Temple de Jérusalem. Il s'agissait de mettre par écrit les lois et récits de la tradition orale (herméneutique). Ce projet était celui des Pharisiens inquiets de la menace que faisaient peser sur les traditions les changements de la société hébraïque, où la tradition orale était en recul par rapport à la tradition écrite. Il se poursuivit sur plusieurs siècles en Galilée et à Babylone.
Bernard Gui justifie la destruction de ces ouvrages par les blasphèmes qu’il dit s’y trouver:
“à cause d’horreurs et de blasphèmes à l’encontre du Seigneur Jésus Christ et de sa très sainte mère, la Vierge Marie, et du nom des Chrétiens (preconia proclamante propter orrores et blasfemias contra Dominum Jhesum Christum et ejus sanctissimam genetricem virginem Mariam et nominis Christiani)” 221
Quels sont ces blasphèmes et horreurs que Bernard Gui dit être prononcés par les Juifs? L’inquisiteur y donne une réponse dans sa Practica inquisitionis 222. Il y nomme quatre ouvrages destinés à expliquer le Talmud: la Glose sur le texte de la Loi, l’Explication et restitution de la Loi, les Gloses de Moïse en Egypte et la Glose de David l’Espagnol. Trois de ces textes sont des gloses du Talmud, c’est-à-dire des Talmuds intégrant des explications de texte. L’Explication et restitution de la Loi est également lié à la loi judaïque, mais rien ne précise s’il s’agit de la Thora ou du Talmud. Ces explications dénoncent, selon Bernard Gui, la divinité de Jésus Christ:
“Ces gloses, les Juifs les professent, soutiennent et enseignent; elles sont pourtant condamnées au même titre que le Talmud et sont formellement dirigées contre le Christ que l’on prétend n’être pas Dieu et n’avoir été en aucune façon le Messie promis dans la Loi. (Et illas glosas Judei tenent et habent et docent, cum tamen sint dampnate periter cum Talmudo et sunt expresse contra Christum quem dicunt nullo modo fuisse nec Messiam promissum in Lege.)” 223
L’inquisiteur décrit les blasphèmes qu’il dénonce dans ces ouvrages. Toutes convergent vers un seul point: Jésus Christ a menti en se disant de nature divine. Ainsi, les Chrétiens sont qualifiés de minim, que Bernard Gui traduit par “hérétique” (hereticos) 224. Ainsi, il fait de longues citations des prières blasphématoires dont il dit qu’elles sont récitées trois fois par jour:
“Aussi, nous espérons en toi, ô Dieu, notre Seigneur: remporte une prompte et rapide victoire dans le beauté de ta puissance; chasse et fait disparaître les idoles, c’est-à-dire les images que les Chrétiens de la terre adorent en l’honneur du Christ. Puissent ces images être détruites - et elles le seront! - et qu’ainsi le monde se prépare au règne du Tout-Puissant.” (Super hoc speramus tibi, Deux, Dominus noster, ad vincendum cito seu velociter in pulcritudine virtutis tue ad transeundum vel expellendum sculptilia, id est ymagines quas christiani de terra adorant ad honorem Christi. Et ymagines destruantur - et destructe erunt - ad aptandum seculum in regnum Omnipotentis.) 225
Pouyss- Nombre de messages : 213
Age : 43
Date d'inscription : 27/03/2007
Re: III) B) 2)
Ainsi, jugés blasphématoire, un grand nombre de Talmuds furent brûlés sur ordre de Bernard Gui. Malheureusement, son notaire n’en donne pas le nombre exact:
Deux autres condamnations inquisitoriales concernent les Juifs. Un Juif est condamné lors du sermon du 23 avril 1312 et un autre lors de celui du 30 septembre 1319. Le premier vivait à Fleurance, dans le diocèse d’Auch, en Gascogne. Converti au Christianisme, il retourna à la foi Juive et mourut dans celle-ci. Il portait le nom Chrétien de Jean et le nom Juif de Josse. Bernard Gui précise, avant de condamner son cadavre à être exhumé et brûlé, qu’il a été exhorté à revenir dans la foi Chrétienne, ce qui témoigne de la connaissance de l’apostasie de Josse par l’Inquisition et de l’intervention de celle-ci lors de son agonie:
L’autre Juif condamné par Bernard Gui se nomme Jean de Bretx. Plus de détails sont révélés à son sujet. Fils de feu Jacob, de Sérignac, près de Beaumont, dans le diocèse de Toulouse, il s’est converti au Christianisme le 14 juin 1317 et a été baptisé dans la ville de Bretx, près de l’Isle-Jourdain, dans le diocèse de Toulouse. Il est resté Chrétien pendant environ trois ans et s’est reconverti au Judaïsme à Lérida. Il est ensuite resté Juif jusqu’à son arrestation, sa confession, son abjuration et sa condamnation au Mur. Son cas permet de voir une description précise du rituel de retour au Judaïsme, tel qu’en témoigne Bernard Gui: “tête rasée, ongles des mains et des pieds coupés jusqu’au sang, tête immergée dans l’eau courante” (abraso capite et abscisis capitibus unguium, manuum et pedum usque ad sanguinem et facta inmersione capitis in aqua currenti) 228.
L’inquisiteur décrit plus précisément ce rituel dans sa Practica inquisitionis 229. Le principe même de cette pratique consiste à purifier le converti de ses péchés. Les rabbins demandent au converti d’accepter de se soumettre à la tymla, ce que Bernard Gui traduit par “prendre un bain, se laver dans l’eau courante” (si vult facere balneationem seu lotionem seu balneum in aqua currente) 230. Lorsque le converti accepte ce rituel, les rabbins lui disent Baaltussuna, ce que l’inquisiteur traduit par “Reviens de l’état de péché” (Revertaris a statu peccati) 231. Ensuite, le converti est dénudé et baigné dans de l’eau chaude. Là, il est frotté énergiquement sur tout le corps avec du sable. Bernard Gui fait remarquer que les zones qui sont les plus frottées sont celles qui reçoivent l’onction du saint chrême lors du baptême: le front, la poitrine et les mains. Ce sacrement est donc considérés par les Juifs comme corruptrice et nécessite une purification pour l’effacer.
Mais cette purification va bien plus loin. En effet, le converti se voit couper les ongles des mains et des pieds “jusqu’au sang” (usque ad sanguinem) 232, comme le précise Bernard Gui tant dans la Practica inquisitionis que dans le Livre des sentences. De plus, son crâne est rasé, ce qui montre la volonté de retirer tout ce qui peut l’être du corps du converti afin que la purification soit la plus complète possible. Puis il est amené jusqu’à une rivière, où les rabbins lui plongent la tête dans l’eau par trois fois. Est alors récitée loa prière suivante: “Bénit soit Dieu, le Dieu, roi des siècles, qui nous a ordonné de nous purifier dans cette eau, dans ce bain que nous appelons en hébreu tymla” (Benedictus Deus, Deus, rex seculorum, qui precepisti nobis sanctificari super istam aquam seu balneum, quod vocatur tymla in hebreo.) 233.
“les livres des Juifs, appelés Talmud, autant qu’on a pu en trouver chez les Juifs, ont été brûlés et traînés d’abord, dans deux chariots, par des sergents et des agents de la cour royale, aux appels du crieur public, à travers les rues de Toulouse” (fuerunt libri Judeorum qui apellantur Talmutz, quotquot apud Judeos potuerunt inveniri conbusti et tracti prius per publicas carrieras Tholose in duabus quadrigis cum servientibus et ministris curie regalis cum voce) 226
Deux autres condamnations inquisitoriales concernent les Juifs. Un Juif est condamné lors du sermon du 23 avril 1312 et un autre lors de celui du 30 septembre 1319. Le premier vivait à Fleurance, dans le diocèse d’Auch, en Gascogne. Converti au Christianisme, il retourna à la foi Juive et mourut dans celle-ci. Il portait le nom Chrétien de Jean et le nom Juif de Josse. Bernard Gui précise, avant de condamner son cadavre à être exhumé et brûlé, qu’il a été exhorté à revenir dans la foi Chrétienne, ce qui témoigne de la connaissance de l’apostasie de Josse par l’Inquisition et de l’intervention de celle-ci lors de son agonie:
“Averti et exhorté plus souvent par de nombreux sages, il n’a pas voulu renoncer à cette perfidie. Bien que requis régulièrement et canoniquement, il n’a pas voulu reprendre conscience d’avoir embrassé la foi chrétienne, d’avoir reçu le baptême, de l’avoir observé et se confesser de bouche.” (nec admonitus et hortatus sepius per multos bonos viros ab illa perfidia, voluit resilire tandemque requisitus judicialiter et canonice quod fidem christianam quam susceperat et baptismum teneret et servaret et ore confiteretur noluit resipisci sicque) 227
L’autre Juif condamné par Bernard Gui se nomme Jean de Bretx. Plus de détails sont révélés à son sujet. Fils de feu Jacob, de Sérignac, près de Beaumont, dans le diocèse de Toulouse, il s’est converti au Christianisme le 14 juin 1317 et a été baptisé dans la ville de Bretx, près de l’Isle-Jourdain, dans le diocèse de Toulouse. Il est resté Chrétien pendant environ trois ans et s’est reconverti au Judaïsme à Lérida. Il est ensuite resté Juif jusqu’à son arrestation, sa confession, son abjuration et sa condamnation au Mur. Son cas permet de voir une description précise du rituel de retour au Judaïsme, tel qu’en témoigne Bernard Gui: “tête rasée, ongles des mains et des pieds coupés jusqu’au sang, tête immergée dans l’eau courante” (abraso capite et abscisis capitibus unguium, manuum et pedum usque ad sanguinem et facta inmersione capitis in aqua currenti) 228.
L’inquisiteur décrit plus précisément ce rituel dans sa Practica inquisitionis 229. Le principe même de cette pratique consiste à purifier le converti de ses péchés. Les rabbins demandent au converti d’accepter de se soumettre à la tymla, ce que Bernard Gui traduit par “prendre un bain, se laver dans l’eau courante” (si vult facere balneationem seu lotionem seu balneum in aqua currente) 230. Lorsque le converti accepte ce rituel, les rabbins lui disent Baaltussuna, ce que l’inquisiteur traduit par “Reviens de l’état de péché” (Revertaris a statu peccati) 231. Ensuite, le converti est dénudé et baigné dans de l’eau chaude. Là, il est frotté énergiquement sur tout le corps avec du sable. Bernard Gui fait remarquer que les zones qui sont les plus frottées sont celles qui reçoivent l’onction du saint chrême lors du baptême: le front, la poitrine et les mains. Ce sacrement est donc considérés par les Juifs comme corruptrice et nécessite une purification pour l’effacer.
Mais cette purification va bien plus loin. En effet, le converti se voit couper les ongles des mains et des pieds “jusqu’au sang” (usque ad sanguinem) 232, comme le précise Bernard Gui tant dans la Practica inquisitionis que dans le Livre des sentences. De plus, son crâne est rasé, ce qui montre la volonté de retirer tout ce qui peut l’être du corps du converti afin que la purification soit la plus complète possible. Puis il est amené jusqu’à une rivière, où les rabbins lui plongent la tête dans l’eau par trois fois. Est alors récitée loa prière suivante: “Bénit soit Dieu, le Dieu, roi des siècles, qui nous a ordonné de nous purifier dans cette eau, dans ce bain que nous appelons en hébreu tymla” (Benedictus Deus, Deus, rex seculorum, qui precepisti nobis sanctificari super istam aquam seu balneum, quod vocatur tymla in hebreo.) 233.
Pouyss- Nombre de messages : 213
Age : 43
Date d'inscription : 27/03/2007
Re: III) B) 2)
Le converti sort alors de l’eau, enfile de nouveaux vêtements et les autres Juifs lui donnent un nouveau nom, généralement celui qu’il avait avant de se convertir au Christianisme. Enfin, les rabbins lui demandent d’affirmer à haute voix sa foi Judaïque, de déclarer vouloir vivre selon le mode de vie de cette communauté toute sa vie durant, d’abjurer sa foi Chrétienne et de rejeter son baptême. Une lettre lui est alors remise afin de prouver à tous les autres Juifs son appartenance à leur communauté.
Mollat explique que l’on peut rapprocher ce rituel du rite de la dégradation ecclésiastique 234. Je pense que l’on pourrait également le comparer à celui du baptême. Le rituel est destiné à effacer les péchés précédents (qu’il s’agisse du péché originel ou non) afin de purifier le corps et l’âme du converti. Les zones les plus frottées au sable sont celles-la même qui reçoivent le saint chrême lors du baptême. Le converti a la tête plongée par trois fois dans l’eau, tout comme on peut le retrouver dans les Evangiles au sujet du baptême de Jésus Christ par saint Jean Baptiste. Enfin, le converti prête serment de sa foi nouvelle (ou retrouvée). Ce sont ces fortes similitudes qui me poussent à faire cette comparaison. Rien, ni dans le Livre des sentences ni dans la Practica inquisitionis, ne vient témoigner d’une quelconque filiation entre ces deux rites, mais cette comparaison m’amène à supposer, sans pouvoir le prouver, que ce rite Juif trouve ses origines dans les baptêmes Juifs antiques, dont découle le baptême Chrétien.
Cela nous amène à nous demander pourquoi ces Juifs-ci sont condamnés par l’Inquisition et non les autres. En effet, le culte Judaïque semble a priori rentrer dans le cadre juridique de ce tribunal ecclésiastique, son dogme n’étant pas celui de l’Eglise Romaine, et allant même jusqu’à nier la divinité de Jésus Christ. Mais la religion Juive était justement celle de ce dernier et le Christianisme en est né. La Bible contient même l’Ancien Testament, le livre saint du Judaïsme, qu’ils nomment Thora. Cette filiation donne un statut particulier à cette religion au sein de la société Chrétienne et l’attitude de l’Inquisition à son égard en découle. Du point de vue d’un Chrétien du Moyen Age, les Juifs sont ceux qui n’ont pas su reconnaître le message divin révélé par Jésus Christ. Leur foi n’est donc pas fausse en soi, mais incomplète. Leur erreur vient donc non pas de ce en quoi ils croient mais de ce en quoi ils refusent de croire. Leur dogme est considéré comme incomplet, et donc faux, par le Christianisme médiéval. Ils se distinguent ainsi des hérétiques, dont le dogme est considéré comme une une déformation de la vérité Christique. Dans les deux cas, cela est considéré comme un blasphème. Mais le blasphème des Juifs est celui du refus de Jésus Christ alors que le blasphème des hérésies est celui de la déformation de son message.
Cette différence est fondamentale dans la différence de traitement par l’Inquisition. En effet, les Juifs étaient tolérés dans la société Chrétienne (ce qui n’empêchait pas qu’ils aient à endurer des massacres). Leur présence était considérée comme un exemple vivant de l’erreur que les Chrétiens ne devaient pas faire: renier leur foi en Jésus Christ. Les communautés Juives vivant au sein de la Chrétienté étaient donc en quelque sorte un témoignage de leur refus de croire en la divinité Christique. Mais cette tolérance avait ses limites, notamment dans le cas de l’Inquisition. En effet, autant les Juifs étaient autorisés à pratiquer leur culte, autant il leur était interdit de s’opposer à la foi Chrétienne. Ainsi, les blasphèmes que Bernard Gui dit se trouver dans le Talmud justifie la destruction de tous les exemplaires trouvés de cet ouvrage.
Mais cette tolérance ne s’appliquait qu’aux Juifs qui conservaient toute leur vie durant leur foi. Dans le cas d’un Juif qui se convertissait au Christianisme, il n’y avait pas de possibilité de retour. Le converti était considéré comme un Chrétien à part entière, comme si il n’avait pas été Juif auparavant. Un retour au Judaïsme était donc considéré comme une apostasie, le rejet de sa foi Chrétienne. Cet abandon était alors du ressort du tribunal de l’Inquisition, car l’apostasie était considérée comme une conversion à l’hérésie. C’est pour cette raison que Josse, le condamné qui mort après être revenu dans sa foi Judaïque, a eu le cadavre exhumé et brûlé, celui-ci étant mort dans l’hérésie. Un Juif qui ne se convertissait jamais au Christianisme était donc toléré, mais pas un Juif qui avait auparavant été Chrétien. C’est pour cette raison que Jean de Bretx fut lui aussi condamné par Bernard Gui. Mais, comme il abjura sa foi Juive devant l’inquisiteur et que c’était son premier abandon de la foi Chrétienne (il n’était donc pas relaps), il fut condamné au Mur et non pas à être abandonné au bras séculier.
Enfin, parmi les cas particuliers les plus importants, nous trouvons un personnage célèbre, condamné pour avoir lutté contre l’Inquisition: Bernard Délicieux. Frère Franciscain, celui-ci s’inscrit dans un contexte de concurrence farouche entre les deux ordres mendiants. Mais sa vie témoigne aussi des relations particulières entre l’Inquisition et le Languedoc.
Mollat explique que l’on peut rapprocher ce rituel du rite de la dégradation ecclésiastique 234. Je pense que l’on pourrait également le comparer à celui du baptême. Le rituel est destiné à effacer les péchés précédents (qu’il s’agisse du péché originel ou non) afin de purifier le corps et l’âme du converti. Les zones les plus frottées au sable sont celles-la même qui reçoivent le saint chrême lors du baptême. Le converti a la tête plongée par trois fois dans l’eau, tout comme on peut le retrouver dans les Evangiles au sujet du baptême de Jésus Christ par saint Jean Baptiste. Enfin, le converti prête serment de sa foi nouvelle (ou retrouvée). Ce sont ces fortes similitudes qui me poussent à faire cette comparaison. Rien, ni dans le Livre des sentences ni dans la Practica inquisitionis, ne vient témoigner d’une quelconque filiation entre ces deux rites, mais cette comparaison m’amène à supposer, sans pouvoir le prouver, que ce rite Juif trouve ses origines dans les baptêmes Juifs antiques, dont découle le baptême Chrétien.
Cela nous amène à nous demander pourquoi ces Juifs-ci sont condamnés par l’Inquisition et non les autres. En effet, le culte Judaïque semble a priori rentrer dans le cadre juridique de ce tribunal ecclésiastique, son dogme n’étant pas celui de l’Eglise Romaine, et allant même jusqu’à nier la divinité de Jésus Christ. Mais la religion Juive était justement celle de ce dernier et le Christianisme en est né. La Bible contient même l’Ancien Testament, le livre saint du Judaïsme, qu’ils nomment Thora. Cette filiation donne un statut particulier à cette religion au sein de la société Chrétienne et l’attitude de l’Inquisition à son égard en découle. Du point de vue d’un Chrétien du Moyen Age, les Juifs sont ceux qui n’ont pas su reconnaître le message divin révélé par Jésus Christ. Leur foi n’est donc pas fausse en soi, mais incomplète. Leur erreur vient donc non pas de ce en quoi ils croient mais de ce en quoi ils refusent de croire. Leur dogme est considéré comme incomplet, et donc faux, par le Christianisme médiéval. Ils se distinguent ainsi des hérétiques, dont le dogme est considéré comme une une déformation de la vérité Christique. Dans les deux cas, cela est considéré comme un blasphème. Mais le blasphème des Juifs est celui du refus de Jésus Christ alors que le blasphème des hérésies est celui de la déformation de son message.
Cette différence est fondamentale dans la différence de traitement par l’Inquisition. En effet, les Juifs étaient tolérés dans la société Chrétienne (ce qui n’empêchait pas qu’ils aient à endurer des massacres). Leur présence était considérée comme un exemple vivant de l’erreur que les Chrétiens ne devaient pas faire: renier leur foi en Jésus Christ. Les communautés Juives vivant au sein de la Chrétienté étaient donc en quelque sorte un témoignage de leur refus de croire en la divinité Christique. Mais cette tolérance avait ses limites, notamment dans le cas de l’Inquisition. En effet, autant les Juifs étaient autorisés à pratiquer leur culte, autant il leur était interdit de s’opposer à la foi Chrétienne. Ainsi, les blasphèmes que Bernard Gui dit se trouver dans le Talmud justifie la destruction de tous les exemplaires trouvés de cet ouvrage.
Mais cette tolérance ne s’appliquait qu’aux Juifs qui conservaient toute leur vie durant leur foi. Dans le cas d’un Juif qui se convertissait au Christianisme, il n’y avait pas de possibilité de retour. Le converti était considéré comme un Chrétien à part entière, comme si il n’avait pas été Juif auparavant. Un retour au Judaïsme était donc considéré comme une apostasie, le rejet de sa foi Chrétienne. Cet abandon était alors du ressort du tribunal de l’Inquisition, car l’apostasie était considérée comme une conversion à l’hérésie. C’est pour cette raison que Josse, le condamné qui mort après être revenu dans sa foi Judaïque, a eu le cadavre exhumé et brûlé, celui-ci étant mort dans l’hérésie. Un Juif qui ne se convertissait jamais au Christianisme était donc toléré, mais pas un Juif qui avait auparavant été Chrétien. C’est pour cette raison que Jean de Bretx fut lui aussi condamné par Bernard Gui. Mais, comme il abjura sa foi Juive devant l’inquisiteur et que c’était son premier abandon de la foi Chrétienne (il n’était donc pas relaps), il fut condamné au Mur et non pas à être abandonné au bras séculier.
Enfin, parmi les cas particuliers les plus importants, nous trouvons un personnage célèbre, condamné pour avoir lutté contre l’Inquisition: Bernard Délicieux. Frère Franciscain, celui-ci s’inscrit dans un contexte de concurrence farouche entre les deux ordres mendiants. Mais sa vie témoigne aussi des relations particulières entre l’Inquisition et le Languedoc.
Pouyss- Nombre de messages : 213
Age : 43
Date d'inscription : 27/03/2007
Re: III) B) 2)
221 Ibid., pp. 1206-1207.
222 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome II, pp. 12-19.
223 Ibid., pp. 18-19.
224 Ibid.
225 Ibid., pp. 14-15.
226 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., pp. 1206-1207.
227 Ibid., pp. 804-805.
228 Ibid., pp. 1038-1039.
229 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome II, pp. 6-9.
230 Ibid., pp. 6-7.
231 Ibid., pp. 8-9.
232 Ibid.
233 Ibid.
234 Ibid., note de bas de page 1.
222 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome II, pp. 12-19.
223 Ibid., pp. 18-19.
224 Ibid.
225 Ibid., pp. 14-15.
226 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., pp. 1206-1207.
227 Ibid., pp. 804-805.
228 Ibid., pp. 1038-1039.
229 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome II, pp. 6-9.
230 Ibid., pp. 6-7.
231 Ibid., pp. 8-9.
232 Ibid.
233 Ibid.
234 Ibid., note de bas de page 1.
Pouyss- Nombre de messages : 213
Age : 43
Date d'inscription : 27/03/2007
Pouyss :: Archives :: Dépôt :: Mémoire M2
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum