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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 17:56

2) Le Valdéisme

Le clergé Vaudois du début du XIVe siècle se caractérise par une hiérarchie plus simple que celui de l’Eglise Romaine et plus uni que celui du Catharisme. En effet, les Vaudois distinguent trois ordres au sein de leur clergé, selon la hiérarchie Paulinienne 190: majoraux (ordination épiscopale), prêtres (ordination sacerdotale) et diacres (ordination diaconale). Le majoral est le dirigeant de l’Eglise Vaudoise, “auquel tous sont tenus d’obéir, comme tous les catholiques obéissent au pape (cui omnes tenentur obedire, sicut omnes catholici sunt sub obedentia domini pape.)” 191.

Dans les faits et croyances reprochées aux condamnés Vaudois présents dans les sermons du Livre des sentences, deux majoraux sont cités comme ayant été rencontrés: Jean de Châlon et son successeur Chrétien Maynes. On peut observer dans le graphique ci-après que Chrétien Maynes a été aperçu par plus de fidèles Vaudois que son prédécesseurs, soit parce que ce dernier était moins présent que lui dans le Languedoc, soit que la transition a été trop ancienne pour que la plupart des fidèles l’aient rencontré.

Illustration n° 16: “Occurrences des noms de majoraux Vaudois.”

III) A) 2) M1710


Les personnes répertoriées dans le second tableau (page suivante) sont toutes prêtres. En effet, Bernard Gui réunissait les majoraux et les prêtres sous le terme de “Parfaits”, par assimilation aux Cathares. Les diacres étaient par contre assimilés aux fidèles et leur ordination n’était donc pas précisée. Selon Bernard Gui192, les clercs Vaudois se réunissent une à deux fois par an en chapitres généraux. Ils louent longtemps à l’avance une maison et s’y réunissent. Toujours selon lui, deux types de problèmes y sont réglés. Le majoral gère la répartition géographiques des effectifs: les diacres et prêtres se voient assignés une région à couvrir, pour y prêcher, y officier les cérémonies, y administrer les sacrement et y percevoir les aumônes. Ce dernier aspect concerne justement le deuxième problème réglé lors de ces chapitres généraux: les clercs rendent comptent des recettes et des dépenses de leur activité. Ceci suppose une gestion financière centralisée. Mais surtout, elle témoigne de la structure pyramidale du clergé Vaudois. Contrairement au clergé Cathare, qui connaît une Eglise par région, et qui ne semble pas avoir de véritable chef (Pierre Autier n’ayant autorité que dans le Languedoc et uniquement du fait de son ancienneté et de son activité: il n’a pas de statut particulier), la clergé Vaudois a une unique tête qui coordonne l’activité des échelons inférieurs.

Comme les moines des ordres mendiants, les Vaudois font trois voeux: continence (ce qui suppose le célibat), pauvreté individuelle et mendicité. Bernard Gui précise, à propose de la continence, que les Vaudois tolèrent certaines pratiques sexuelles interdites par l’Eglise Romaine, du moment où elles sont pratiquées au sein du mariage (ce qui exclut donc l’homosexualité et la sexualité des clercs). Mais il précise qu’ “ils veillent soigneusement à le tenir caché pour ne point s’avilir aux yeux de leurs croyants (hoc autem valde tenent occultum, ne vilescant apud credentes suos.)”193. Cette précision tend à jeter le doute sur la validité d’une telle affirmation. La pauvreté individuelle rend nécessaire la gestion collective des biens, comme dans un couvent ou un monastère. C’est lors des chapitres généraux que les finances sont centralisées puis réparties selon les besoins de chaque région. Leur revenu ne vient pas du travail mais, à l’instar des ordres mendiants, de la mendicité. Ce système de financement leur permet de se consacrer pleinement à la prédication, mais rend leur budget aléatoire, ce qui nécessite là aussi une certaine centralisation, afin de compenser les manques d’une région par les surplus d’une autre.

Nous pouvons donc observer de fortes similitudes entre le fonctionnement de l’Eglise Vaudoise et celui des ordres mendiants. Cela est-il dû à un effet d’imitation ou à des besoins équivalents liés à une activité prédicatrice semblable? Il m’est impossible d’y répondre en analysant des sources du XIVe siècle, mais la fondation des ordres mendiants est postérieure à celle de l’Eglise Vaudoise. Donc, si imitation il y a eu, il est plus vraisemblable qu’elle fut faite par les ordres mendiants plutôt que par l’Eglise Vaudoise.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 18:00

Illustration n° 17: “Occurrences des noms de prêtres Vaudois.”

III) A) 2) M1810


Bernard Gui a déterminé plusieurs critères qui lui permettent de déterminer si une personne est Vaudoise. Le plus usité est sans conteste le refus de prêter serment. Se référant aux Evangiles et considérant que la vérité est sacrée, les Vaudois considèrent que le serment et le mensonge sont des péchés. Etant donné la facilité de les confondre par l’Inquisition, ils ont instauré un système qui autorise chaque Vaudois à mentir pour protéger leur Eglise et de prêter serment un certain nombre de fois. Mais Bernard Gui a su trouver la parade en exigeant chaque personne suspectée d’appartenir au Valdéisme de prêter serment autant de fois qu’il le souhaite:

“Tu jures à présent afin d’être relâché, mais sache-le: un seul serment ne me suffit point. Je puis en exiger deux, dix, cent, autant que je voudrai. Je n’ignore pas que vous vous accordez des dispenses; vous vous permettez un nombre déterminé de serments quand la nécessité presse et qu’il s’agit de vous libérer. Aussi ai-je l’intention d’en requérir un nombre indéfini (Si tu nunc juras ut sic libereris, notum tibi sit quod michi non sufficit unum juramentum vel duo vel decem vel centum, set totiens quotiens petiero; quia scio quod inter vos dispensastis et ordinastis de certo numero juramentorum quando necessitas cogit, ut sic vos vel alios liberetis, set sine numero volo requirere juramenta et insuper)” 194

Un autre moyen pour Bernard Gui de déterminer si un accusé est Vaudois est le rejet de la hiérarchie Catholique par les membres de cette hérésie. Alors que Valdès s’était efforcé d’être reconnu par la papauté, le rejet de ses successeurs dans le statut d’hérétiques par l’Eglise Romaine les a poussé à se placer, à l’instar du Catharisme, en Eglise concurrente de celle du pape. Mais leur rejet du pouvoir spirituel s’étend même au pouvoir temporel par l’opposition aux peines capitales. En effet, les Vaudois rejettent le principe même de la peine capitale car ils y opposent l’interdiction de tuer qui se trouve selon eux dans les Evangiles. Ainsi, les Vaudois exécutés par l’Inquisition ont pour eux le statut de martyrs pour cette double raison: rejet de l’Eglise Romaine et de la peine capitale.

Cela s’inscrit dans leur volonté de retour aux origines de la religion Chrétienne. La hiérarchie de type Paulinienne, l’orientation exclusive de leur vie vers le prêche (par les trois voeux similaires aux ordres mendiants) et l’application stricte des paroles d’Evangiles en témoignent. L’Eglise Catholique est ainsi rejetée car jugée corruptrice de la parole Christique. Dans cette logique, les Vaudois rejettent aussi les ajouts de l’Eglise Romaine à la vie spirituelle Chrétienne. Le Purgatoire est fermement dénoncé, ainsi que le culte des saints et, par extension, les suffrages et les fêtes de saints, exceptées celles de la Vierge Marie et des Apôtres. Les suffrages sont des prières faites aux saints pour intercéder auprès de Dieu en faveur de l’âme d’un défunt. Tout ajout de l’Eglise Romaine à l’application stricte des Evangiles est donc dénoncé par les Vaudois, ce qui permet à Bernard Gui de déterminer la culpabilité d’un suspect de cette hérésie. De même, ils ne reconnaissent pas le carême, mais le pratiquent tout de même pour des raisons énoncées plus loin.

Dans cette même logique de rejet des ajouts de l’Eglise Romaine au contenu strict des Evangiles, les Vaudois ont fait un tri dans les prières, ne gardant que celles dont ils attribuaient la paternité à Jésus Christ et rejetant les autres, les dénonçant comme écrites par les clercs de l’Eglise Romaine. Ainsi, ils ont gardé le Pater Noster, sept articles de foi sur la divinité, sept sur l’humanité, les dix préceptes du Décalogue et les sept oeuvres de miséricorde. Ils les ont réunis en un recueil, ce qui permet à Bernard Gui de percer à jour leur hérésie:

“C’est ainsi qu’on peut facilement les surprendre. Vous leur demandez: “Récitez-moi le symbole de la foi, “Je crois en Dieu”, selon la formule de l’Eglise Catholique”, qui, elle, contient tous les articles; ils vous répondront: “Je ne le sais pas; personne ne me l’a appris ainsi. (Possunt autem tunc cito hoc modo capi: “Dicas mihi symbolum fidei, scilicet Credo in Deum, sicut dicit ecclesia catholica, quia ibi sunt omnes articuli” et tunc ipsi respondent: “Nescio, quia nullus me docuit ita.”)” 195

Les Vaudois s’efforcent de ne pas se faire remarquer par l’Inquisition et donc de ne pas se faire dénoncer par ceux qu’ils côtoient. Pour se faire, ils s’efforcent de conserver les apparences de fidèles de l’Eglise Romaine. Ainsi, par exemple, ils vont régulièrement à la messe:

“Item, ils fréquentent les églises et les sermons et se conduisent extérieurement, en tout, avec religion et componction; ils s’étudient à user d’un langage onctueux et discret. (Item, frequentant ecclesias et predicationes et in omnibus se religiose et composite exterius gerunt et student hébere verba quasi linita et cauta)” 196

De plus, ils pratiquent les jeûnes habituels des fidèles de l’Eglise Romaine:

“Item, ils jeûnent le vendredi et en carême; ils s’abstiennent alors de viandes pour ne pas faire horreur aux autres: en soi, faire gras tous les jours ne serait pas un péché, car le Christ n’a pas défendu de se nourrir de chair et n’a pas recommandé de s’en abstenir. (Item, jejunant diebus veneris et in quadragesima et tunc abstinent a carnibus, ne ceteris veniant in horrorem, quia dicunt quod carnes comedere quacumque die non est peccatum, quia Christus non prohibuit vesci carnibus nec precepit ab eis abstinere.)” 197
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 18:03

La discrétion est un des éléments fondamentaux de la survie des Vaudois et leur vie quotidienne ainsi que la pratique de leur culte s’y sont adaptés. Ainsi, tous les fidèles reçoivent des consignes strictes de silence au sujet de leurs clercs. Les prières et la prédication se font également dans le plus grand secret, le soir notamment:

“Le plus souvent, ils prêchent la nuit, après le repas du soir, quand leurs croyants sont revenus du travail et se sont rassemblés. Ils peuvent alors parler plus en secret et en toute sécurité. […] Parfois, on fait éteindre la lumière, afin, disent-ils, de ne pas être surpris par des personnes étrangères à leur foi. (Set ut frequentius faciunt predicationes suas de nocte, post cenam, quando credentes ipsorum sunt congregati, quia tunc redierunt de operibus suis et secretius ac securius et abscondite possunt loqui. […] et aliquando faciunt extingui lumen, si sit ibi, propter hoc, ut dicitur, ut non videantur vel deprehendantur ab extraneis seu exterioribus non consentientibus in facto eorum.)” 198

Un dernier fait marquant de la situation Vaudoise au XIVe siècle est la tentative d’infiltrer le clergé de l’Eglise Romaine. Un cas typique en est celui du prêtre Jean Philibert 199. En 1287, il fut envoyé, avec un compagnon, dans le diocèse d’Auch (dans le nord-est Gascon), afin d’y rechercher un Vaudois fugitif nommé Roux Jaubert. Puis il quitta la Gascogne pour la Bourgogne et y resta plusieurs années. Il retourna à nouveau en Gascogne et y fit la rencontre de plusieurs clercs Vaudois. C’est là qu’il devient lui-même clerc Vaudois. Mais en 1311, il fut arrêté par l’Inquisition Toulousaine et y abjura son hérésie le 29 octobre. Mais il ne fut alors pas dégradé de sa prêtrise. De retour en Gascogne, il reprit son activité hérétique et ses trajets entre la Gascogne et la Bourgogne. En 1319, il fut à nouveau arrêté par l’Inquisition, cette fois-ci par celle de Bourgogne. Etant vraisemblablement curé de Mazères, dans le diocèse d’Auch, dont le territoire dépend du tribunal inquisitorial de Toulouse, le cas de Jean Philibert fut transmit à Bernard Gui. Celui-ci le condamna, en tant que relaps, à la dégradation et à l’abandon à la cour séculière, lors du sermon du 30 septembre 1319.

Le sermon du 15 juin 1320 200 est consacré à sa dégradation. Lui furent retirés tous ce qui témoignait de sa prêtrise. Ce furent les livres: celui des Evangiles, celui des Epîtres, celui des exorcismes et celui qu’il a reçu en prenant la charge de lecteur. Les vêtements sacerdotaux: étoles diaconale et sacerdotale, tunique sous-diaconale et manipule. Enfin lui furent retirés le droit d’utiliser les objets nécessaires à la pratique de sa charge de prêtre: calice, patène, chandelier, burettes et clés de son église. En signe de sa punition, il fut condamné à avoir le crâne rasé. Enfin, il fut abandonné à la cour séculière.

A partir de 1319, Bernard Gui eut aussi à s’occuper d’une troisième hérésie: les Béguins, ou Spirituels. Tout comme le Valdéisme, il ne s’agit pas d’une hérésie très présente dans le diocèse de Toulouse, mais de groupes qui vivent à la marge de la zone couverte par son office. Une autre similitude entre ces deux hérésies est qu’elles n’ont rejeté l’Eglise Romaine que lorsque celle-ci les à jugées hérétiques. Il ne s’agissait donc pas d’Eglises concurrentes, comme avec les Cathares, mais bel et bien de groupes particuliers de l’Eglise Romaine dont celle-ci s’est séparée.


190 J. Duvernoy, Cathares, Vaudois et Béguins: dissidents du pays d’Oc, Toulouse, 1994, p. 144.

191 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome I, pp. 50-51.

192 Ibid., pp. 50-53.

193 Ibid., pp. 50-51.

194 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome I, pp. 70-71.

195 Ibid., pp. 54-55.

196 Ibid., pp. 52-53.

197 Ibid., pp. 50-51.

198 Ibid., pp. 56-57.

199 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., pp. 1126-1127.

200 Ibid., pp. 1208-1209.
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