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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:23

3) Les serments

Huit sermons débutent par le serment des représentants du pouvoir séculier: celui du 3 mars 1308, celui du 25 mai 1309, celui du 5 avril 1310, celui du 23 avril 1312, celui du 7 mars 1316, celui du 30 septembre 1319, celui des 4 et 5 juillet 1322 et celui du 12 septembre 1322. Les trois premiers sermons débutent par le serment des officiers royaux, suivit de celui des consuls. A la fin du deuxième, celui du 25 mai 1309, le sénéchal vient porter serment, Voici comment est justifié cette exception:

“En l’an du Seigneur 1309, le 14 juin, le seigneur Jean de Mauquenchy, sénéchal de Toulouse et d’Albigeois, qui, naguère, n’avait pas prêté serment à l’inquisiteur au cours du sermon public, sachant qu’à l’époque la pratique et l’usage en étaient rares, dit-il, ayant utilisé un avis plus sage, a prêté serment par la suite devant le frère Bernard Gui et le seigneur Etienne de Port, vicaire en matière d’Inquisition pour l’évêque de Toulouse, suivant cette formule: (Anno Domini M° CCC° nono, XVIII° kalendas julii, dominus Johannes de Malo Cochino, senescallus Tholose et Albigesii, qui nuper in sermone publico non juraverat inquisitori, quia modum et usum minime tunc sciebat, ut dixit, saniori usus concilio, postea juramentum prestitit fratri Bernardo Guidonis et Domino Stephano de Portu, vicario in negocio inquisitionis pro domino episcopo Tholosano in hunc modum.)” 152

On retrouve le sénéchal dans les sermons du 23 avril 1312, du 7 mars 1316 et du 30 septembre 1319, où il prête serment avec les officiers royaux, toujours suivis du serment des consuls. Lors du sermon des 4 et 5 juillet 1322, les agents de la cour, les officiaux, les nobles et les consuls prêtent serment tous ensemble. Enfin, lors du serment du 12 septembre 1322, nous retrouvons le serment des officiers royaux suivit de celui des consuls.

Illustration n°3: “Tableau des serments.”

II) A) 3) M0410


Rien, dans le Livre des sentences, ne nous permet de savoir si les serments sont prêtés à chaque sermon. Si c’est le cas, je ne peux pas expliquer, à partir de ce manuscrit, pourquoi les serments sont retranscrits dans certains sermons et non dans d’autres. C’est pour cette raison que je suppose que les serments n’ont été prêtés que dans les sermons où ils ont retranscrits dans le Livre des sentences. Si cette supposition (et j’appuie sur l’usage du mot “supposition” plutôt que “théorie”, n’ayant pas d’informations pour l’appuyer) s’avérait juste, cela montrerait que le serment est un élément non indispensable dans la procédure inquisitoriale à l’époque de Bernard Gui. Le serment du sénéchal vient appuyer cette supposition, en affirmant que “à l’époque la pratique et l’usage en étaient rares” (quia modum et usum minime tunc sciebat) 153. Reste à savoir si cette rareté s’applique seulement au serment des sénéchaux ou à tous les serments lors des sermons inquisitoriaux.

A partir du tableau des serments, ci-avant, nous pouvons observer tout d’abord que la présence du sénéchal se limite à la moitié des sermons où apparaissent les serments. Dans la présentation de son serment, lors du sermon du 25 mai 1309, il semble qu’il ait été nécessaire de le convaincre pour qu’il prête serment: “ayant utilisé un avis plus sage” (saniori usus concilio) 154. Il ne prête pas serment lors du sermon du 5 avril 1310, ce qui montre une certaine difficulté, pour Bernard Gui, à mettre en place cette pratique. Mais l’inquisiteur semble avoir été persuasif, car le sénéchal Jean de Mauquenchy prête serment avec les autres officiers royaux lors du sermon du 23 avril 1312. Le lieutenant du sénéchal, Guillaume Arnaus Dupont, prête serment lors du sermon du 7 mars 1316 et le sénéchal suivant, Guiard Gui, le fait lors de celui du 30 septembre 1319.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:24

Excepté lors du sermon des 4 et 5 septembre 1322, où tous prêtent serment ensemble, les consuls prêtent serment après les agent royaux. La formule est résumée dans le Livre des sentences, mais il transparaît dans le texte que le serment a été entièrement récité lors du sermon:

“Nous, Bernard de Fontanes, Guillaume Durand, Bertrand du Palais, Ponce de Prignac, Guillaume Bequi, Vital de Forgues, Géraud Arnaud de Castelnau, consuls ou capitouls de Toulouse, jurons par ces saints Evangiles de Dieu, etc. comme ci-dessus. (Nos, Bernardus de Fontanis, Guillelmus Durandi, Bertrandus de Palatio, Poncius de Prinhaco, Guillelmus Bequini, Vitalis de Forgis, Geraldus Arnaldi de Ponte, Petrus de Prinhaco de Coquinis, Stephanus de Carabordas, Petrus de Castronovo, consules seu capitularii Tholosani, juramus per hec sancta Dei Evangelia, et cetera, ut supra inmediate.)” 155

Enfin, le sermon des 4 et 5 juillet 1322 voit les agents de la cour, les officiaux, les nobles et les consuls prêter serment tous ensemble, contrairement à l’habitude de séparer le serment des agents royaux de celui des consuls. Cela s’explique vraisemblablement par le fait que ce sermon ne se déroule plus à Toulouse, mais à Pamiers:

En l’année, dimanche et pontificat ci-dessus désignés, les nobles, les hommes de pouvoir, terriens, châtelains, les agents de la cour, les officiaux, consuls et tous les autres seigneurs inscrits ci-dessous, présents dans le cimetière Saint-Jean hors les murs de la cité de Pamiers […] mains levées au-dessus du livre des Evangiles ouvert devant les susnommés évêques et les inquisiteurs, ont juré et prêté serment de la manière suivante: (Anno et die dominica et pontificatus anno quibus supra, nobiles et potentes viri, terarii, castellani, curiales, officiales, consules et alii domini infracripti, existentes in cimiterio Sancti Johannis extra muros civitatis Appamiensis […] manibus elevatis ed librum Evangeliorum existentem apertum coram prefatis dominis episcopis et inquisitoribus, juraverunt et juramentum prestiterunt in modum qui sequitur)” 156

Ainsi, nous pouvons observer que les personnes prêtant serment lors des serments inquisitoriaux représentent le pouvoir temporel sur le territoire où sont condamnés les accusés de ces sermons. Les consuls et capitouls prêtant serments sont ceux de la commune où se déroule le sermon. Les consuls et capitouls de Toulouse prêtent serment lors des sermons du 3 mars 1309, du 25 mai 1309, du 5 avril 1310, du 23 avril 1312, du 7 mars 1316, du 30 septembre 1319 et du 12 septembre 1322. Lors du sermon des 4 et 5 juillet 1322, qui se déroule à Pamiers, prêtent serment les consuls de Pamiers, de Mazères et un consul de Foix. Cependant, les agents royaux prêtant serment sont systématiquement de Toulouse. Même lors du sermon des 4 et 5 juillet 1322, il s’agit de Jean Marc, juge mage et lieutenant du sénéchal de Toulouse, Simon Bardin et Alodet, tous deux lieutenants du viguier de Toulouse, et Pierre Bernier, juge royal de Rieux. Cela s’explique par le fait que le territoire sous l’autorité de ces agents royaux comprend également Pamiers. Ces personnes prêtent donc toutes serment parce qu’elle représentent le bras séculier des territoires où sont condamnés les accusés de ces sermons.

Pour comprendre l’utilité des serments lors des sermons inquisitoriaux, il nous faut analyser les différents voeux qui les composent. Tous les serments prêtés lors des sermons de l’inquisiteur Bernard Gui ont la même forme. Seuls les noms des personnes changent de l’un à l’autre. Chacun commence par la liste de ceux qui prêtent serment, avec leurs titres et fonctions. S’ensuit un voeux de défense de l’Eglise contre les hérétiques:

“Nous, Philippe de Fontanes, viguier de Toulouse du seigneur notre roi, et Hugues Guiraud, juge d’appeaux, jurons par ces saints Evangiles de Dieu que nous professerons, maintiendrons et défendrons envers et contre tous, dans la mesure de nos forces, la foi de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la Sainte Eglise romaine. (Nos, Philippus de Fontanis, vicarius Tholose domini nostri regis, et Ugo Geraldi, judex appellationum, juramus per hec sancta Dei Evangelia quod fidem Domini nostri Jhesu Christi et sancte Romane ecclesie tenebimus et teneri faciemus et ipsam deffendemus pro viribus contra omnes)” 157
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:26

Ce premier voeu, très général, nous informe assez peu sur le fonctionnement de l’Inquisition. Cependant, nous pouvons relever que l’emploi des termes “maintiendrons et défendrons” (teneri faciemus et ipsam deffendemus) montre un vocabulaire plutôt “défensif”. En d’autres termes, l’hérésie, combattue par l’Inquisition, y est implicitement présentée comme une agression contre la foi chrétienne, que l’Inquisition a charge de défendre. Ainsi, ce n’est pas l’Inquisition qui s’attaque à l’hérésie, mais l’hérésie qui s’en prend à l’Eglise et à ses fidèles. L’Inquisition est ainsi présentée comme un “bouclier de la foi” et non “une épée de celle-ci”. Se poser en victime, qui ne fait que se défendre, permet à l’Eglise de légitimer son action inquisitoriale.

“De même, nous poursuivrons, arrêterons et feront arrêter, chaque fois où nous le pourrons, les hérétiques, leurs croyants, partisans et hôtes; nous les déférerons et les dénoncerons à l’Eglise et aux inquisiteurs si nous apprenions leur présence en quelque endroit (Item quod hereticos, credentes, fautores et receptatores eorumdem persequemur et capiemus et capi faciemus quandocumque poterimus et accusabimus et denunciabimus ecclesie et inquisitoribus si alicubi noverimus eos esse)” 158

Ce voeu est fondamental dans le serment des agents royaux et des consuls. Il permet à l’Inquisition de s’assurer du soutien du pouvoir temporel dans la procédure inquisitoriale. En effet, les moyens humains de l’Inquisition étaient relativement limité et son efficacité dépendait beaucoup de l’aide du bras séculier. Cette aide permettait aux inquisiteurs de faire arrêter les suspects et d’en assurer le transport jusqu’à la prison inquisitoriale.

Pour les accusés que Bernard Gui jugeait capable de se dérober à leur convocation, il demandait l’aide des pouvoirs laïcs. Soit ces troupes allaient elles-mêmes arrêter le suspect pour le livrer aux agents de l’inquisiteur, soit elles secondaient celles-ci. Ces agents pouvaient être le messager de Bernard Gui, un de ses sergents ou le geôlier de la prison inquisitoriale. Tous les frais des procès inquisitoriaux étaient payés par les accusés: frais de capture, gages des gens qui avaient coopéré, nourriture et entretien des accusés pendant leur séjour provisoire dans les geôles des cours séculières. Ce paiement se faisait de manière indirecte: les officiers royaux qui avançaient l’argent se remboursaient sur le produit des biens séquestrés des accusés. L’inquisiteur justifiait ces demandes par l’autorité du pape et du roi de France, ce dernier requérant “à ses officiers, ainsi qu’à ceux des comtes, barons et seigneurs, aux baïles, juges, baillis et sergents dépendants d’une autorité quelconque […], de prêter aide et conseils aux inquisiteurs dans l’exercice de leurs fonctions et d’obéir à leurs ordres et réquisitions.” 159. Mais chacune de ces demandes d’aides était rédigée sous forme de menaces de peines canoniques.

“De même, nous ne commettrons de baillies, autres fonctions administratives ou offices publics à aucun des susdits pestiférés, à aucun suspect ou diffamé d’hérésie, à aucun de ceux à qui, pour crime d’hérésie, il aura été interdit de remplir des charges publiques; nous ne recevrons ni n’admettrons dans notre famille, en notre compagnie, à notre service ou au sein de notre conseil aucun des individus susdits, sciemment du moins. Si, par hasard, à notre insu, il en était autrement, nous les chasserions incontinent dès que nous en serions avertis. (Item quod non conmittemus bavilias vel administrationes, nec officia publica alicui de predictis personis pestifferis, nec suspectis aut diffamatis de heresi, nec alicui cui inpositum fuerit ratione criminis heresis quod publicis officiis non fungatur, nec aliquem de predictisrecipiemus, nec habibemus in nostra familia seu consortio vel servicio, nec in nostro concilio scienter, et si forte contrarium factum fuerit ignoranter, illos postquam ad noticiam nostram pervenerit protinus expellemus.)” 160

Ce dernier voeu a pour objectif d’écarter les hérétiques de toutes les fonctions du pouvoir temporel, afin d’éviter que celle-ci n’entrave l’office inquisitorial. L’analyse de Jean-Louis Biget montre la nécessité d’une telle mesure. Il affirme, dans son article sur le procès inquisitorial des années 1299-1300 à Albi que “au XIIIe siècle, le catharisme albigeois rencontre dans les classes aisées son terrain de prédilection” 161. Il appuie son argumentation en montrant que, parmi les personnes présentées par Guillaume Pélissou comme ayant tenté de tuer l’inquisiteur Arnaud Cathala, “18 des 25 familles et 23 des 31 individus cités par G. Pélissou appartiennent, de façon certaine, à l’aristocratie urbaine.” 162. Ainsi, en tout cas pour l’hérésie Cathare, un tel voeu était indispensable pour s’assurer du soutien du pouvoir temporel à l’Inquisition.

Enfin, le bras séculier était indispensable à l’Inquisition non seulement par manque de moyens humains, mais aussi à cause du voeu clérical de ne pas prononcer de sentence de mort. L’Eglise conserva aux peines prononcées contre les condamnés de l’Inquisition leur caractère de pénitence, nécessaire au rachat des fautes 163. Ainsi, cela explique la nécessité de l’aveu. La procédure inquisitoriale est conçue, du moins en apparence, comme le sacrement de la confession. L’aveu est ainsi conçue comme la confession des fautes du condamné, d’où la nécessité de la contrition. La peine était donc conçue comme une pénitence, partie intégrante du sacrement de la confession, nécessaire à l’absolution des fautes. Là où le bras séculier était nécessaire, c’était lorsque le condamné ne faisait pas preuve de contrition: lorsqu’il refusait de refuser son hérésie ou qu’il était relaps. L’inquisiteur n’avait pas d’autre choix que de livrer le condamné au bras séculier, car il ne pouvait le condamner à mort lui-même. Afin d’éviter qu’il soit considéré comme n’ayant pas respecté ce voeu de ne pas condamner à mort, il priait la cour séculière d’épargner au condamné la mutilation et la mort. Mais il s’assurait tout de même que cette prière n’était pas respectée en accusant ceux qui la respectaient de favoriser l’hérésie. Ainsi, les apparences étaient sauves et la peine de mort était appliquée, sans que l’inquisiteur ne soit accusé d’en être l’instigateur. Le serment prononcé lors des sermons inquisitoriaux servait ainsi à s’assurer de la fidélité de la cour séculière.

La procédure inquisitoriale ayant été analysée, il est maintenant nécessaire d’étudier la place de l’Inquisition dans le Livre des sentences à travers diverses analyses statistiques. Tout d’abord seront étudiées les sentences prononcées par Bernard Gui. Puis aura lieu une étude géographique, tant des lieux où sont prononcés les sermons que des lieux de résidence des condamnés. Enfin aura lieu une analyse de plusieurs individus caractéristiques des condamnés de l’Inquisition Languedocienne.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:28

152 Ibid., pp. 322-323.

153 Ibid., pp. 322-323.

154 Ibid.

155 Ibid., pp. 204-205.

156 Ibid., pp. 1276-1277.

157 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., p. 202-203.

158 Ibid.

159 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome I, pp. XLVI-XLVII.

160 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., p. 202-203.

161 J.L. Biget, “Un procès d’Inquisition à Albi en 1300”, dans M.H. Vicaire (dir.), Le credo, la morale et l’Inquisition, Cahier de Fanjeaux n°6, Toulouse, 1971, p. 298.

162 Ibid., p. 301.

163 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome I, pp. LII-LIII.
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