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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:41

2) Analyse géographique

21 sermons composent le Livre des sentences. Le tableau ci-dessous permet d’observer où ils ont eu lieu:

Illustration n°7: “Répartition des lieux des sermons.”

II) B) 2) M0810


Nous pouvons d’abord observer que quinze des vingt-et-un sermons présents dans le Livre des sentences ont eu lieu à Toulouse, soit 71,43% des vingt-et-un sermons. Bernard Gui étant inquisiteur de Toulouse, une proportion si importante semble aller de soi. Mais cela montre la centralisation du fonctionnement. Les accusés ne sont pas condamnés dans leur village de résidence, mais là où elle est installée. L’Inquisition ne vient donc pas aux hérétiques mais elle les fait venir à elle. Ce fonctionnement centralisé se retrouvait dès le début de la procédure inquisitoriale, lors de la citation à comparaître. Gui Mollat décrit ainsi cette étape de la procédure:

“Des que des soupçons, le bruit public, des dénonciations ou des accusations désignaient quelqu’un à l’attention de Bernard Gui, celui-ci le citait à comparaître devant lui, à Toulouse, en l’hôtel de l’Inquisition, situé près du château Narbonnais, et qui n’était autre que le couvent des Frères Prêcheurs.” 166

De même, lorsqu’il décrit les circonstances de l’interrogatoire, Mollat précise:

“Etant lui-même exempt de toute juridiction, l’inquisiteur ne s’astreignait pas, sauf exceptions, à suivre les règles de la procédure de droit commun. […] Il passait outre […] à l’application du trente-septième canon du quatrième concile de Latran (1215) qui interdisait de citer quelqu’un à comparaître devant des juges siégeant à plus de deux journées de marche (dietae) de son domicile.” 167

De plus, être exempt de toute juridiction permettait à Bernard Gui d’aller s’édjoindre à un autre inquisiteur lors de cas particuliers. Ainsi, les sermons du 28 novembre 1319 et du 14 juillet 1321 se sont déroulés à Carcassonne, où l’inquisiteur était alors Jean de Beaune (inquisiteur de 1316 à 1324). A la réconciliation du château de Cordes, qui a eu lieu le 29 juin 1321, étaient également présent, en plus de Bernard Gui, Jean de Beaune et l’évêque d’Albi: le seigneur Béraud. Lors des sermons des 2 août 1321, 4 et 5 juillet 1322 et 12 septembre 1322, l’évêque de Pamiers, Jacques Fournier (évêque de 1317 à 1326), et Jean de Beaune accompagnaient Bernard Gui. Ainsi, l’activité inquisitoriale n’était pas limitée géographiquement et ces exemples montrent qu’en de nombreuses circonstances les inquisiteurs et les évêques étaient amenés à travailler de concert, sans limitations de juridictions.

Enfin, ce graphique nous amène à nous demander pourquoi certains sermons se déroulent dans la cour des maisons de l’Inquisition de Toulouse et de Carcassonne. En d’autres termes: pourquoi certains sermons ne sont-ils pas publics? Celui du 6 mars s’est déroulé dans la cour de la maison de l’Inquisition de Toulouse, où a été condamné Jean de Salvetat pour faux-témoignage. Il était déjà emprisonné depuis deux ans et demi pour fait d’hérésie. Celui du 14 juillet 1321 s’est déroulé dans la cour de la maison de l’Inquisition de Carcassonne, à l’encontre de maître Guillaume Garric, qui avait été condamné non seulement pour son hérésie Cathare mais surtout pour avoir tenté de faire dérober les registres inquisitoriaux où se trouvaient rédigées des interrogatoires et des confessions. Tous ces éléments nous donnent à penser que l’explication ne se trouve pas dans un soucis de sécurité, mais dans le fait que ces personnes s’étaient directement attaquées au fonctionnement de l’Inquisition, sur le système de la délation pour le premier et sur les registres pour le second. Il m’est donc possible de supposer que Bernard gui s’efforçait de cacher à la populations les moyens qu’ils auraient eu d’agir contre le fonctionnement de l’Inquisition, afin de leur donner une impression d’invulnérabilité du tribunal.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:46

Illustration n° 8: “Répartition des condamnés par département actuel et par hérésie.”

II) B) 2) M0910


Grâce à ce graphique, nous pouvons observer comment se répartissent les diverses hérésies combattues par Bernard Gui: les Cathares, les Vaudois et les Béguins. Nous pouvoir voir que les Cathares étaient présents dans les zones couvertes par les actuels départements de l’Ariège, de l’Aude, de la Haute-Garonne, du Tarn et du Tarn-et-Garonne, c’est-à-dire le Languedoc médiéval. Jean Duvernoy, dans son article sur le Catharisme dans le Languedoc 168, a réalisé deux cartes pour dresser le constat de la disparition de cette hérésie, à partir de plusieurs documents inquisitoriaux: le Registre de Bernard de Castanet et Nicolas d’Abbeville (1299-1300), le Registre de Geoffroy d’Ablis (1308-1309), le Livre des sentences de Bernard Gui (1308-1323), le Registre de Jacques Fournier (1318-1325) et la Practica inquisitionis de Bernard Gui. Ces deux cartes donnent un aperçu de la présence des Cathares dans le Languedoc en 1250 169 et en 1300 170:

Illustration n° 9: “Répartition des Cathares dans le Languedoc, en 1250 et en 1300.”

II) B) 2) M1010


Duvernoy analyse ainsi l’évolution de cette répartition:

“Le rapprochement des deux documents semble concluant: les limites de la zone Cathare n’ont pas changé, pas plus que ses points forts: Sabartès, Lauragais, Toulouse, Nord-Toulousain, Albigeois, Quercy, Agenais, Cabardès, Minervois et Carcassès forment la limite Est de l’implantation, alors qu’à l’Ouest, que ce soit ou non dû au hasard, c’est la frontière linguistique.171”

Ainsi, malgré l’évolution quantitative, c’est selon Duvernoy une cause extérieure aux structures du Catharisme qui expliquent le maintien des frontières de cette hérésie: la langue. Les Vaudois sont quant à eux concentrés dans le Gers et le Tarn-et-Garonne, c’est-à-dire la partie nord-ouest de la zone couverte par l’activité inquisitoriale de Bernard Gui. Nous pouvons observer que les hérétiques gersois sont exclusivement des Vaudois. Mais la plupart ne sont pas originaire du Gers mais de Bourgogne, où est née le Valdéisme, ce qui explique le surnom de “Bourguignons” plusieurs fois utilisé.

“Perrin de Vincendat, fils de feu Ponce de Vincendat, qui fut originaire de Crançot au diocèse de Besançon, et qui a l’habitude de résider au lieu-dit “le croisement de Pausade” dans la baillie de Marciac au diocèse d’Auch (Perrine de Vincendat, filius quondam Poncii de Vincendat, qui fuisti oriundus de Cranceto dyocesis Bisuntine et consuevisti morari in loco qui vocatur lo Forc de Pausadier in bajulia de Marciaco dyocesis Auxitane)” 172

Leur présence en Gascogne s’explique par le fait qu’ils se soient enfuis de leurs terres d’origine pour échapper à la répression dont ils y ont été victimes. Selon Annette Pales-Gobilliard, ils se sont “réfugiés depuis plusieurs années dans le diocèse d’Auch” 173. Les Béguins se situent à l’opposé des Vaudois, étant concentrés dans l’Ariège, l’Aude et l’Hérault, soit la partie sud-est de la zone couverte par l’activité inquisitoriale de Bernard Gui. Ils sont venus, quant à eux, du bas Languedoc, étant la zone principale d’implantation de l’Ordre Franciscain, dont ils sont issus 174.

Sur l’ensemble du Livre des sentences, nous pouvons compter 636 condamnés, répartis en 134 localités (villes et villages). Mais, comme le montre la carte ci-après, les condamnés et les sentences prononcées contre eux ne sont pas réparties équitablement entre ces localités. Certaines ne comptent que peu de condamnés, contre lesquels peu de sentences sont prononcées. D’autres, à l’inverse, en concentrent un nombre important. Toutes ces localités sont celles qui comptent au moins quinze condamnés. Si on y ajoute toute celles qui comptent au moins cinq condamnés, on obtient la carte précédente.

Une localité présente une grande concentration de Béguins: Belpech (Aude). Les 6 personnes condamnées pour hérésies qui y vivaient étaient toutes Béguines. De même, les Vaudois ont trois “places fortes”: Saint-Jean-le-Comtal, Mazères et Alzonne. Saint-Jean-le-Comtal voit ses 6 habitants condamnés pour hérésies être Vaudois, et il en est de même pour les 13 de Mazères et, surtout, les 32 d’Alzonne. Au total, 19 Béguins ont été condamnés par Bernard Gui. La localité de Belpech représente donc à elle seule 31,58% des Béguins condamnés. De même, au total, 92 Vaudois ont subi des peines inquisitoriales. A elles trois, les localités de Saint-Jean-le-Comtal, Mazères et Alzonne comptent 51 condamnés Vaudois, ce qui représente 55,43% des Vaudois condamnés par Bernard Gui, dont 34,78% des Vaudois pour la seule localité d’Alzonne. Nous pouvons donc observer une forte concentration de ces deux hérésies dans un nombre limité de localités.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:50

Illustration n°10: “Carte des localités comptant au moins cinq condamnés.”

II) B) 2) M1110


Le Catharisme se situe sur une courbe qui va de Verlhac-sur-Tescou jusqu’à Verdun-Lauragais. Cet axe est bordé à l’ouest par la Garonne et à l’est par l’axe de villes Cordes-Albi-Castres-Carcassonne. Cela vient confirmer les cartes de Duvernoy et vient accréditer sa thèse selon laquelle la présence Cathare dans le sud de la France est limitée au Languedoc, l’essentiel se trouvant dans le Toulousain. Une importante concentration de Cathares se trouve cependant plus au sud, le long de la rivière Ariège, dans le comté de Foix, notamment dans les localités de Montaillou et d’Ax-les-Thermes. Malgré une forte présence de Vaudois à Alzonne, l’essentiel de cette hérésie se situe à l’extérieur du Languedoc, en Gascogne. Les Béguins sont également excentrés, se concentrant notamment à Belpech. Mais il faut être conscient que seules les sources inquisitoriales amènent à ces conclusions. Des sources provenant de ces trois hérésies pourraient nous permettre de savoir si les cartes ci-dessus témoignent réellement de leurs emplacements ou uniquement d’un travail inquisitorial non exhaustif.


166 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., Tome I, p. XLIV-XLV.

167 Ibid., p. XLVI-XLVII.

168 J. Duvernoy, “Le Catharisme en Languedoc au début du XIVe siècle”, dans M.H. Vicaire, La paroisse en Languedoc (XIIIe-XIVe), Cahier de Fanjeaux n°25, Toulouse, 1990, pp. 27 à 56.

169 Ibid., p. 29.

170 Ibid., p. 30.

171 Ibid., pp. 30-31.

172 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., p. 1170-1171.

173 Ibid., p. 34.

174 J. Duvernoy, “Une hérésie en bas Languedoc: l’affaire des Béguins (1299-1329)”, dans J. Duvernoy, Cathares, Vaudois et Béguins: dissidents du pays d’Oc, Toulouse, 1994, p. 182.
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