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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:09

2) Les assesseurs et la sentence

C’était à l’inquisiteur de déterminer la culpabilité de l’accusé par l’inquisitio, c’est-à-dire par ses investigations. C’était l’absence de preuves contre l’accusé qui assurait son innocence. L’inquisiteur réunissait les preuves testimoniales et les aveux nécessaires à la détermination de la culpabilité de l’accusé, puis s’efforçait de lui faire abjurer son hérésie.

“Le prononcé de la sentence […] était précédé obligatoirement d’une délibération prise par un conseil qui se composait de religieux, de clercs séculiers de prud’hommes et de jurisconsultes.”
“Les sentences inquisitoriales étaient toujours révisables, quant aux peines qu’elles statuaient. Seules, celles qui entraînaient la mort comme conséquence demeuraient irrévocables, puisqu’elles impliquaient que l’accusé persistait dans l’hérésie.” 136

En effet, l’objectif principal de l’Inquisition était non pas de détruire physiquement les hérétiques, mais de leur faire abjurer leur hérésie, afin qu’ils retournent dans le giron de l’Eglise. Ainsi, nous pouvons distinguer deux cas lors du jugement inquisitorial: soit le condamné abjurait son hérésie, soit s’il ne le faisait pas. Si l’accusé convaincu d’hérésie l’abjurait, l’inquisiteur remettait ses conclusions aux assesseurs. Il s’agissait d’un groupe de personnes spécialistes en droit, en dogme, composé à la fois de clercs et de laïcs, ces derniers pouvant être des agents du roi ou de la commune. Ce conseil décidaient de la peine et statuait sur le respect des procédures par l’inquisiteur lors de son inquisitio. Lorsque les assesseurs avaient déterminé quelle peine serait prononcée, celle-ci pouvait être présentée sous forme d’une sentence lors du sermon inquisitorial suivant, puis appliquée.

“Avant le sermon, les inquisiteurs, en temps opportun, solliciteront l’avis des conseillers susdits. On fera un sommaire et bref extrait des délits; on y indiquera l’essentiel de l’aveu de chaque accusé sur la faute en question, sans aucun nom de personne, et cela par prudence, afin que les conseillers jugent plus librement de la pénitence à imposer, sans acception de personnes. (Ante sermonem vero, captato tempore opportuno, petitur per inquisitores consilium a predictis, facta prius extractione summaria et compendiosa de culpis, in qua complete tangitur substansia confessionis cujuslibet persone quantum ad culpam illius de qua agitur, sine expressione nominis alijucus persone, ad cautelam, ut liberius de penitentia pro tali culpa imponenda sine affectione persone judicent consulentes.)” 137

Mais lorsque le condamné refusait d’abjurer sa foi, la peine était automatiquement celle du bûcher et les assesseurs n’avaient pas à statuer. De même, si le condamné avait déjà été auparavant déjà condamné pour fait d’hérésie (et donc qu’il avait déjà abjuré sa foi hérétique), il était considéré comme relaps et, là aussi, la peine capitale était automatique. Dans tous les cas, la peine n’était appliquée que lorsque la sentence avait été prononcée publiquement lors du sermon.

“7. Sentences contre les relaps après abjuration judiciaire, qui devront être abandonnés au bras séculier; contre les laïcs d’abord, les clercs ensuite, s’il y en a; (Septimo sententia relapsorum in heresim in judicio abjuratam qui fuerint seculari curie aut brachio relinquedi, et primo laycorum, deinde clericorum, si qui tales fuerint condempnandi;)” 138

Ainsi, la détermination de la culpabilité de l’accusé était décidée par l’inquisiteur. Celui-ci gérait donc l’essentiel de la procédure, de l’inquisitio au jugement, à lui seul. Seules la détermination de la peine, mais aussi son application, comme nous le verrons dans la partie suivante, n’étaient pas de son ressort. Mais son office était contrôlé presque à chaque étape. C’est ainsi que les évêques étaient chargés de partager avec lui les décisions concernant les diverses étapes de l’inquisitio et que le conseil des assesseurs devait décider de la peine. En définitive, seule la détermination de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé était totalement laissée au libre-arbitre de l’inquisiteur. Mais, comme nous l’avons vu plus haut, les évêques déléguèrent à Bernard Gui leurs pouvoirs décisionnels inquisitoriaux, ce qui lui laissait entière liberté dans la conduite de l’inquisitio. De plus, étant donné que le Livre des sentences réunit les sermons de cet inquisiteur, le travail du conseil des assesseur n’y est pas décrit et rien ne nous permet d’y voir si ce moyen de contrôle était vraiment contraignant pour Bernard Gui. Ainsi, il semble se dégager de cet ouvrage un contrôle total de cet inquisiteur sur la procédure qu’il menait.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:14

Le graphique ci-après récapitule tous les assesseurs citées dans les sermons du Livre des sentences. Ainsi, ne sont pas inclus les inquisiteurs, les accusés et les personnes citées comme hérésiarques dans les descriptions des faits reprochés aux hérétiques (personnes rencontrées, notamment lors de cérémonies). Les témoins inquisitoriaux ont été répartis entre six catégories: “agents royaux”, “consuls/capitouls”, “clergé régulier”, “clergé séculier”, “juges/juristes” et “autres laïcs”. La catégorie “agents royaux” inclut les personnes représentant le roi de France dans le Languedoc, notamment les sénéchaux et les viguiers royaux. Les consuls et capitouls sont les représentants de la commune où se déroule le sermon inquisitorial (donc, le plus souvent ceux de Toulouse). Il ne me semble pas nécessaire de décrire ce que sont les clergés régulier et séculier. Les juges et juristes incluent les docteurs en droit (droit canon et droit laïc). Enfin, la catégorie “autres laïcs” comprend essentiellement les chevaliers (ceux dont il n’est pas précisé qu’ils sont agents du roi) et les “damoiseaux”.

Illustration n°2: “Graphique de répartition des assesseurs.”

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Certaines personnes occupent plusieurs fonctions ou ont plusieurs titres. Ainsi, par exemple, certaines personnes sont juristes tout en faisant partie du clergé séculier. C’est pour cela que ces catégories ont été classées dans cet ordre: dans le cas d’une personne pouvant faire partie de deux catégories, elle l’est dans la catégorie le plus en “amont” de cet ordre. Ainsi, pour l’exemple du juriste du clergé séculier, cette personne est intégrée dans la catégorie “clergé séculier” et non “juges/juristes”, car la première catégorie est placée avant la deuxième dans ma classification de ces catégories. Ce choix a été fait afin d’éviter que le nombre de témoins inquisitoriaux ne soit surévalué dans le graphique. Cependant, de nombreux passages témoignent du fait que toutes les personnes présentes lors des sermons ne sont pas citées dans le Livre des sentences:

“et de plusieurs autres assesseurs (et plurium aliorum assistencium)” 139
“et de plusieurs autres religieux des Prêcheurs et des Mineurs, de l’ordre de Saint-Augustin, des Carmélites et des Cisterciens, des consuls de Toulouse (et alii plures religiosi Predicatorum et Minorum et ordinis Sancti Augustini et Carmelitarum et Cisterciensium et domini consules Tholose)” 140
“et de plusieurs autres séculiers et religieux, du clergé et du peuple convoqués au sermon public (et pluribus aliis secularibus et religiosis in sermone publico clero et populo)” 141
“et d’autres plus que nombreux, religieux, séculiers, clercs et laïques, en foule immense (et alii quam plures religiosi et seculares, clerici et layci in multitudine copiosa).” 142
“et une foule non moins immense de religieux, de clercs et de laïques réunis et présents dans cette église (necnon alia mutitudine copiosa religiosorum, clericorum et laycorum in dicta ecclesia presencium et assistencium).” 143
“et aussi en présence d’une foule immense de religieux, de clercs et de laïques réunis dans cette église (necnon alia multitudine copiosa religiosorum, clericorum et laycorum in dicta ecclesia presentium et assistentium).” 144
“le clergé et le peuple ayant été convoqués et rassemblés en une foule immense (clero et populo convocato et congregato in multitudine copiosa)” 145
“et d’autres plus nombreux, clercs et laïques (et alii quam plures clerici et layci).” 146
“et toute la foule immense du peuple d’hommes et de femmes (et alia multitudo copiosa plebis virorum et mulierum).” 147
“et la foule immense du clergé et du peuple (et alia multitudine cleri et populi copiosa)” 148
“ainsi que les consuls de Pamiers, ceux d’Ax-les-Thermes et de Tarascon-sur-Ariège, de plusieurs autres témoins réunis en très grand nombre pour ces préalables (necnon consulibus Appamiensibus et consolibus de Ax ac consulibus de Tarascone, et pluribus aliis in multitudine numerose testibus ad premissa)” 149
“et de plusieurs autres personnes de l’un et l’autre sexe, témoins convoqués et réunis en une foule immense à ce susdit sermon pour ces préalables (et pluribus aliis utriusque sexus in multitudine copiosa ad sermonem predictum convocatis et congregatis testibus ad premissa)” 150
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:15

Ainsi, le graphique ci-avant pas compte de toutes les personnes présentes lors des sermons inquisitoriaux. Seules les personnes les plus importantes sont citées. Mais c’est là qu’une question se pose: toutes les personnes citées font-elles effectivement partie des assesseurs? Certes, les inquisiteurs et les condamnés n’en font pas partie, mais rien n’est précisé quant agents royaux et aux consuls qui prêtent serments. Les descriptions varient d’un sermon à l’autre. Parfois, nous retrouvons ceux qui ont prêté serment dans la liste des assesseurs, parfois certains d’entre eux, parfois aucun. Les formulations de présentation ne sont pas pour éclaircir cette énigme:

“au cour du sermon public, en présence des inquisiteurs, de cette même cour royale et des consuls de Toulouse susnommés. De même furent présents (presentibus et assistentibus in publico sermone inquisitorum ibidem curia regali et consolibus Tholosanis superius nominatis. Item presentes)” 151

Le plus souvent, c’est lorsque les serments des agents royaux et des consuls n’apparaissent pas dans un sermon qu’ils sont cités dans la liste des assesseurs. Et inversement: c’est lorsque les serments des agents royaux et consuls apparaissent qu’ils ne sont pas cités. Cela tend à faire penser qu’ils font effectivement partie des assesseurs, mais cette observation n’est pas une constante dans le Livre des sentences. Dans le doute, j’ai préféré les ajouter dans le graphique.

Tout d’abord, nous pouvons observer que les sermons du 28 novembre 1319, du 8 décembre 1319 et du 15 juin 1320 ne voient aucun serment retranscrit et aucun assesseur cité. Le sermon du 28 novembre 1319 est placé après celui du 8 décembre 1319: il s’agit vraisemblablement d’un ajout ultérieur. Le sermon du 8 décembre 1319 est consacré à la condamnation du frère Franciscain Bernard Délicieux. La sentence auparavant rendue à son encontre est déclarée et sa dégradation ultérieure est annoncée. Comme le jugement avait déjà été rendu, la présence d’assesseurs est inutile lors de ce sermon. Le sermon du 28 novembre 1319 rend compte d’une décision de Bernard Gui de faire brûler un certain nombre de Talmuds. Il ne s’agit donc pas de la conclusion d’un procès inquisitorial, mais uniquement d’une décision de l’inquisiteur, ce qui ne nécessitait pas l’avis d’assesseurs. Enfin, le sermon du 15 juin 1320 décrit la sentence et la dégradation du prêtre Jean Philibert. Comme pour Bernard Délicieux, le jugement avait déjà été prononcé avant ce sermon, qui ne concerne que son application.

Sur les 20 sermons du Livre des sentences (le dernier, celui du 19 juin 1323, n’est pas inclus dans ces calculs, seules les condamnations y étant décrites), 568 noms d’assesseurs sont cités. Ce chiffre est à relativiser, étant donné que de nombreux assesseurs sont cités dans plusieurs sermons. La catégorie la plus représentée est celle des clercs réguliers (27,46%). Ensuite viennent les consuls et capitouls (20,07%), les juges/juristes et les clercs séculiers (les deux catégories représentant chacune 16,73% des noms cités). Les agents royaux et les “autres laïcs” viennent terminer cette liste (respectivement 7,57% et 11,44%). Ainsi, le clergé (séculier et régulier) représente 44,19% des assesseurs. Cette répartition à peu près équilibrée des assesseurs entre les clercs et les laïcs montre une volonté de légitimité de l’Inquisition. Cet équilibre témoigne en effet d’une volonté d’impliquer autant le pouvoir temporel que le pouvoir spirituel dans le jugement des hérétiques. Nous verrons ci-après, dans la partie consacrée à la cour séculière, que cette association ne se limite pas au jugement, mais qu’elle est présente dans toute la procédure inquisitoriale. C’est ainsi que l’Inquisition trouve une certaine légitimité, en montrant à la population que toutes les formes d’autorité sont alliées contre un ennemi commun: l’hérésie. Cela se confirme lorsque l’on détaille le contenu des deux autorités: spirituelle et temporelle. Le clergé séculier (16,73%) et le clergé régulier (27,46%) sont tous deux présents parmi les assesseurs, ce dernier étant plus représenté du fait que l’inquisiteur Bernard Gui est Dominicain (l’essentiel des clercs réguliers assesseurs sont des Dominicains du couvent de Toulouse). Chez les laïcs, les agents royaux, les consuls, les juges et juristes et les seigneurs locaux (qui composent l’essentiel des assesseurs inclus dans la catégorie “autres laïcs”) sont représentés parmi les assesseurs. Ainsi, toutes les composantes du pouvoir, qu’elles soient cléricales ou laïques, nobles ou roturières (la majorité des consuls et des capitouls sont des bourgeois), se retrouvent dans la composition de ces conseils d’assesseurs. Cela vient donc confirmer la logique de légitimité par la représentativité.

Enfin, après la recherche, la détermination de la culpabilité (ou de l’innocence) de l’accusé et le choix de la peine à prononcer, après également le sermon qui officialisait la condamnation, la peine devait être appliquée. Cela était du ressort de pouvoir temporel. Afin de s’assurer de la bonne application des peines, l’Inquisition faisait prêter serment aux représentants du bras séculier.
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Message par Pouyss Mer 11 Avr - 16:17

136 Ibid., p. LI.

137 Ibid., p. 122-125.

138 Bernard Gui, Practica..., (Mollat), op. cit., pp. 130-131.

139 Bernard Gui, Liber sententiarum..., op. cit., pp. 206-207.

140 Ibid., pp. 330-331.

141 Ibid., pp. 338-339.

142 Ibid., pp. 544-545.

143 Ibid., pp. 568-569.

144 Ibid., pp. 576-577 et 844-845.

145 Ibid., pp. 850-851.

146 Ibid., pp. 864-865.

147 Ibid., pp. 870-871.

148 Ibid., pp. 974-975 et 1436-1437.

149 Ibid., pp. 1256-1257.

150 Ibid., pp. 1280-1281.

151 Ibid., pp. 868-869.
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